Le Fonds Genre Sahel : levier des Organisations de la Société Civile pour la réduction des inégalités femmes-hommes

 Le Fonds Genre Sahel : levier des Organisations de la Société Civile pour la réduction des inégalités femmes-hommes

Faire émerger des projets innovants en matière d’égalité femmes-hommes, soutien méthodologique structurel, subventions, mise en réseau et diffusion des bonnes pratiques, le Fonds Genre Sahel accompagne pendant 3 ans 12 initiatives pilotes porteuses de changement social. Découverte et premiers retours terrain.



Réduire durablement et efficacement les inégalités femmes-hommes. Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad, 12 initiatives proposées par des Organisations de la Société Civile (OSC) ou des groupements d’OSC sahéliennes ont été retenues par le Fonds Genre Sahel (FGS) suite à un appel à projets pour être développées pendant 30 mois.

 

Mis en œuvre par Expertise France et financé par l’Agence Française de Développement, le fonds, d’un montant de 5,5 millions d’euros, souhaite avant tout outiller les OSC dans leur montée en compétence sur les enjeux de genre.

 

Le FGS ambitionne, en outre, de rendre les 12 OSC autonomes et capables de décrocher, à termes, d’importants partenariats institutionnels et financiers afin de mieux structurer et organiser la défense des droits des femmes et leur autonomisation.

 

 

 

Installée à Ouagadougou (Burkina Faso) Paule Elise HENRY, cheffe de projet Fonds Genre Sahel à Expertise France, nous explique ci-dessous les tenants et les aboutissants des 3 composantes du programme.

“C’est une opportunité pour des OSC de saisir les possibilités qui leur sont offertes pour mieux se structurer, pour mieux s’outiller par rapport au montage de leur projet.

 

Par rapport au management, en termes de gestion, de conduite de projet, de négociation, de capacité d’interpellation sur les problématiques de genre et les inégalités spécifiques que subissent les femmes par rapport aux hommes dans tous les domaines de développement et à tous les niveaux ”, explique Mme HENRY.

 

“On ne naît pas avec la technicité de faire un budget. Tout le monde sait que faire un budget ça n’est pas évident”, illustre-t-elle quant à la composante 2 “Renforcement des capacités”.

 

Il faut donc “un accompagnement pour monter un budget cohérent, décrire les activités de façon concrète. Qui fait quoi ? Comment ? Quand et comment le traduire en aspect financier ?”


Des aspects fondamentaux, tout comme tenir une bonne comptabilité, qui peuvent être déterminants ou au contraire disqualifiants pour les ténors des partenaires techniques et financiers.

Nous vous proposons une infographie synthétique pour mieux cerner les contours de chacune des 3 composantes du Fonds Genre Sahel :

Concrètement, au-delà d’une simple instruction de dossier, l’équipe du Fonds Genre Sahel est allée, sur le terrain, directement à la rencontre des OSC, de leurs équipes et de leurs partenaires avec, dans un premier temps, une mise à niveau primordiale sur la question du genre et la préparation de co animation avec des personnels internes à chaque organisation. 

 

Des ateliers avec 12 à 20 personnes pour chaque initiative portée par les OSC sont organisés dans chaque pays afin d’initier collectivement un travail préalable de diagnostic participatif. 

 

Christiane TOÉ, ingénieure du développement rural, experte en renforcement des capacités et capitalisation au Fonds Genre Sahel, a conduit la majeure partie des missions sur le terrain avec les expertes d’appui aux OSC pays.

 

Elle loue la pertinence de chaque OSC et le fait qu’elles soient toutes “enracinées dans leur milieu” et “qu’elles mènent toutes des activités importantes sur le genre”.

 

Pour autant, elle constate que les OSC n’ont pas pu “aller au fond des choses pour changer ou réduire les inégalités qu’elles visent, parce que les actions ne s’intégraient pas dans la durée et dans une stratégie”.

 

D’où un diagnostic participatif afin d’identifier les problèmes et les potentialités pour l’intégration du genre au sein de chaque organisation. Cet exercice a comme point de départ la construction “d’une charte chronologique” qui est “le curriculum vitae de chaque organisation avec les lunettes genre”. Il s’agit de revisiter les activités réalisées et d’apprécier de quelle façon la dimension genre a été intégrée dans les projets.

 

Mme TOÉ estime par ailleurs que le travail de réduction des inégalités et la promotion du genre ne peut se faire “sans les hommes”. Au contraire, “c’est un travail à faire ensemble”.

 

Pour elle, il faut faire des hommes “des alliés et des ambassadeurs”, surtout auprès de la gente masculine. Car leur discours sera plus “crédible” que si ce sont les femmes uniquement qui prennent la parole.

Les diagnostics, réalisés par les OSC elles-mêmes, servent de boussole pour redéfinir le projet initialement retenu par le Fonds Genre Sahel. Sans que cela ne remette en cause le soutien déjà accordé.

 

C’est sur cette base que le partenariat sera officiellement signé et l’octroi des subventions validé d’un commun accord courant mai -juin 2022.

 

Pour Mme HENRY, un diagnostic permet de “mieux se connaître et mieux se positionner sur certains enjeux. C’est aussi savoir comment s’organiser, par exemple, pour influencer davantage une prise de décision au niveau national, comment faire des plaidoyers bien argumentés pour changer certaines lois, certaines normes. Comment petit à petit faire pression pour que les engagements internationaux soient une réalité sur le terrain. 

Car chacun des pays d’intervention du Fonds Genre Sahel dispose de politique et de stratégie nationales genre et/ou d’orientations assez claires en ce qui concernent les droits des femmes, leur autonomisation et la volonté de s’engager à la réduction des inégalités femmes-hommes.

 

Et les acteurs aussi bien institutionnels, que les partenaires au développement et les organisations et mouvements de défense des droits des femmes de la société civile devraient accompagner activement les changements souhaités et inscrits dans les documents des politiques nationales et sectorielles pour le développement des pays du Sahel.”

Tout le travail de diagnostic est centré sur des questionnements. Ce qui pourrait être de nature à braquer les OSC en remettant en cause leurs pratiques. Il n’en est rien.

 

“En général les OSC nous accueillent bien. Tout dépend de comment on se présente. Et tout dépend de la façon dont l’accompagnement est fait. C’est la posture de l’accompagnement qui est le (la) plus important (e) ?”, confie la cheffe de projet.

 

C’est même “un émerveillement pour les personnes de voir la richesse de tout ce que leur organisation a pu accomplir, même avec le manque de méthodes sur la question du genre”, précise Mme TOÉ.

“Le genre est un construit social”

Cette première phase de travail est riche d’enseignements. Christiane TOÉ revient sur le fait que le genre est un construit social. “C’est ce que la société admet ou pense comme rôle ou attente pour une femme, une jeune fille, un jeune garçon” et qui peut créer des contraintes spécifiques pour ces personnes.

Il est important que, dans les ateliers, les personnes nomment elles-mêmes les construits sociaux, qu’elles “nomment ces inégalités qui sont dans leur milieu”, tant “au niveau de la loi que des pratiques sociales”.

 

“Quand on n’est pas éveillé, on a l’impression que c’est normal”. Mme TOÉ cite également les clichés et stéréotypes véhiculés par les livres, à l’image du manuel scolaire de primaire “Mamadou et Bineta”. Elle partage même ci-dessous une anecdote pour le moins édifiante.

L’importance de la masculinité positive

 

“Il est très important d’intégrer la dimension de masculinité positive, de trouver des hommes qui sont acquis à la cause et qui peuvent parler de ces inégalités”, estime Mme TOÉ.

 

Elle prend en exemple “le patriarcat et le culte de l’homme chef de famille”. “Quand c’est une femme qui parle c’est comme une revendication (…) Le message des hommes est mieux entendu”, analyse-t-elle.

 

Tout comme le message est mieux entendu quand c’est un homme qui parle de violences conjugales et qui en rappelle les risques judiciaires…

Les violences basées sur le genre frappent aussi les hommes

 

Les inégalités femmes-hommes frappent massivement les femmes. Un truisme face auquel “ on ne peut nier qu’il y a aussi des hommes victimes de violences basées sur le genre”, explique Mme TOÉ.

 

Le poids du rôle socialement attendu de l’homme, de qui l’on attend tout, peut peser comme un véritable fardeau et s’avérer une réelle source de stress, comme en ont témoigné certains hommes dans les ateliers. 

 

“Même au sein des groupes les plus vulnérables. Quand on prend les réfugiés, les Personnes Déplacées Internes (…) Les femmes disent par exemple que les hommes ne sont des hommes que de nom. Parce qu’on attend d’un homme qu’il apporte à manger”.

“Nous sommes dans une société évolutive”

 

Travailler sur le développement de capacités, de nouvelles pratiques, au sein des OSC avec une nouvelle grille de lecture genre inscrit sans doute le plaidoyer dans un temps long. “Parce que travailler sur les mentalités demande un peu plus de temps”, estime Mme HENRY.

 

Elle reconnaît qu’il y a des questions sensibles, comme sur les droits et la santé sexuelle et reproductive, comme sur les violences conjugales, “qu’il faudra éviter d’aborder de front mais sans les occulter.”

 

“La qualité de la représentation des femmes dans les sphères de décision, la capacité à s’exprimer et à négocier la reconnaissance et la valorisation des rôles et des responsabilités des femmes dans tous les domaines et à tous les niveaux est un défi permanent pour la contribution au développement des femmes et des hommes dans nos pays”, estime-t-elle.

 

Elle reste malgré tout confiante. Parce qu’on est “dans une société évolutive (…) La façon dont notre génération a été éduquée n’est pas la même que celle de nos parents et de nos grands-parents. Ni celle dont nous éduquons nos enfants.”

 

Aux OSC désormais de tirer le meilleur parti du Fonds Genre Sahel, de faire fructifier leurs apprentissages sur la question du genre, de s’approprier les méthodes pour les transmettre, les diffuser et faire bouger durablement les lignes. Au bénéfice d’une cause finalement gagnant-gagnant qui nous grandit tous dans la même humanité.

 

Ci-dessous les feedbacks de 2 OSC au Sénégal Casamasanté et Wim Sénégal.

 

Positiv Media

Posts liés

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *